“Oh t’as l’air de t’amuser sur les îles Gili! T’as trop de chance de voyager!” “Ah bon t’as fait une randonnée à cheval au Kirghizistan!? La chance!” “Mais c’est quoi ce trou dans le désert que t’as vu!? Toi et tes voyages… T’as vraiment de la chance!” Toutes ces phrases, et bien d’autres, je les ai entendu. On m’a dit ça pendant des conversations, ou par message. Au début, quand on me disait ça, je souriais poliment. Mais plus j’entendais “T’as de la chance de voyager“, plus ça a commencé à me faire chier! Parce que… Ouais, voyager comme je le fais, on ne peut pas dire que c’est de la chance. Je m’explique.
Non je n’ai pas de la chance de voyager
Assez régulièrement, quand je parle de mes trips, j’entends “La chance!“, “T’as de la chance de voyager!“, etc… Mais ce que les gens ont tendance à oublier, c’est que voyager comme ça ne m’est pas tombé dessus. On ne m’a pas donné un ticket magique pour me permettre de pavaner d’un pays à l’autre. Si c’était le cas, alors ouais, on pourrait dire que c’est de la chance. Mais on ne m’a pas donné ce fameux ticket. Voyager à long terme, c’est un choix que j’ai fait. Et ce choix, je l’ai fait seul. Personne ne m’a dit “Va voyager, ça va te faire du bien!” Non non, après avoir été licencié (économiquement avec d’autres collègues) de mon ancien boulot, j’ai décidé de voyager seul pendant quelque temps.
Et après ce licenciement, personne ne m’a dit “Hey toi là! C’est ton jour de chance! Tu vas voyager! Fais ton sac, tu pars la semaine prochaine!” Vous l’avez compris, voyager comme je le fais est un choix, et pas une chance. Non je ne suis pas chanceux de voyager, je l’ai choisi. Et j’en ai fait ma priorité. Quand on me dit “Moi aussi j’aimerais trop faire pareil“, je réponds “Ben fais le!“. Et là, l’objection numéro 1, c’est l’argent “J’aurais aimé, mais ça coûte très cher de voyager…“
Voyager ne coûte pas si cher si on s’y prend bien, et c’est ce que j’explique à ces gens là. Quand on fait le choix de voyager, il faut revoir ses dépenses : limiter au minimum les sorties au bar ou au restaurant, résilier les abonnements divers (salle de sport, Netflix…), arrêter les virées shopping, “tracker” ses habitudes de dépenses (en faisant une liste par exemple) et supprimer les dépenses inutiles, si possible ouvrir un compte spécifiquement pour le voyage à venir…
Dans mon cas, j’accorde peu d’importance aux biens matériels : je n’ai pas de voiture, pas (encore) de prêt immobilier, pas de téléphone dernier cri, pas d’abonnement Netflix, je ne fais pas de dépenses fastes… C’est un choix mais surtout un mode de vie. Il y a ensuite tout un tas d’astuces pour dépenser le moins possible sur la route, mais c’est un autre sujet. A moins d’aimer le luxe, de ne dormir que dans des palaces, de manger uniquement dans les restos les plus chers de la ville, et de se déplacer uniquement en taxi, non voyager ne coûte pas forcément cher si on gère bien, et ce n’est pas réservé qu’à une élite pétée de thunes. Vraiment, c’est jouable.
Quand ce n’est pas l’excuse de l’argent, c’est “J’ai pas le temps” “Je peux pas avoir de congés” ou encore “C’est trop compliqué…” Même quand je propose des solutions à ces gens là, ils ne tentent pas de faire avancer les choses. Le problème des gens qui disent que j’ai de la chance, c’est qu’ils se cachent souvent derrière la vraie raison qui les empêche de partir : la peur. Ils ont peur de prendre la route, et se cachent derrière l’excuse de l’argent, du temps, de la logistique compliquée…
Ils attendent le bon moment pour voyager… Sans forcément se rendre compte que ce moment parfait, où toutes les conditions seront enfin réunies, n’arrivera jamais. Ces gens ont peur de sortir de leur zone de confort, et observent ceux qui prennent la route en disant “Quelle chance vous avez de voyager!“
La plupart du temps, ils disent ça en voyant des images postées sur les réseaux sociaux. N’oubliez pas que ces réseaux sociaux ne montrent souvent que les bons côtés du voyage. Je ne suis pas trop à fond dans Facebook, Instagram… (ceux qui me connaissent le savent) et je n’édulcore pas ma vie sur ces réseaux mais la plupart du temps, les gens ne montrent que la partie très émergée de l’iceberg, il ne faut pas l’oublier.
Ce que j’ai remarqué en rencontrant d’autres voyageurs, c’est que ceux qui veulent vraiment voyager, le font! Quand tu veux partir, tu pars, point! Et là, je ne parle pas que de voyageurs solo! J’ai rencontré des familles (parents et enfants) qui voyageaient à long terme, des couples qui avaient plus de 70 ans sur la route, un mec qui se déplaçait en béquille et même une femme aveugle qui voyageait avec son mec (pas aveugle, lui). Dans leurs cas, l’âge, les enfants, le handicap, n’ont pas été des freins face à leur envie de voir du pays.
Une fois de plus, c’est une question de choix, ils ont pris leurs décisions. Le plus dur, c’est de partir. Une fois lancé, tout devient beaucoup plus simple. Oui on perd des sous, mais on gagne en souvenirs, en expériences humaines, qui resteront à jamais en nous, et que personne ne pourra nous enlever. Comme on dit “Voyager est la seule chose qu’on achète qui nous rend plus riche“.
Le problème quand j’entends “Oh t’as de la chance“, c’est que j’ai l’impression que la personne réduit tous les sacrifices faits pour pouvoir voyager à long terme : la potentielle carrière, le confort, les habitudes, l’absence des amis et des proches… Beaucoup se plaignent de leur train train quotidien, du boulot, etc… Mais combien agissent pour faire changer les choses? Et là je ne parle pas que de voyage! Dans la vie, il faut prendre des risques, et se donner les moyens d’avancer. Comme on dit, 100% des gagnants au loto ont tenté leur chance!
La “chance”, il faut la créer, la provoquer. “Oui mais toi t’as de la chance, tu parles bien anglais...” Encore une fois, pratiquer cette langue à Paris (via la lecture entre autres), pour avoir plus de facilités sur la route est un choix, pas une chance! Ceux qui disent que j’ai de la chance de voyager doivent, la plupart du temps, remettre en question leur état d’esprit et/ou leur manière de dépenser des sous.
Bref, quand j’ai commencé à voyager, les gens qui me disaient que j’avais de la chance de voyager m’irritaient de plus en plus. Mais j’ai revu mon jugement au fil du temps. J’ai commencé à visiter de plus en plus de pays, à interagir avec plein de locaux qui viennent de cultures bien différentes de la notre, et puis j’ai commencé à me dire que… en fait si, j’ai de la chance de voyager. Pourquoi j’ai changé d’avis au fil des mois?
En fait si, j’ai de la chance de voyager
Je me souviens de ce jeune indonésien, à Kuta, serveur dans un resto. La nourriture était très bonne, et j’allais régulièrement manger seul là bas. Il me servait et on discutait, de tout et de rien. On a fini par sympathiser. Un jour, il m’a dit “On en voit beaucoup comme toi, qui viennent d’Europe ou d’Australie, et qui voyagent pendant plusieurs mois, ici et dans les pays voisins… Et toi tu voyages pendant combien de temps?” J’ai jamais été à l’aise à expliquer aux locaux que je voyage à long terme, surtout en voyant leur quotidien… Donc en général, je mens “Je suis en Indonésie pendant trois semaines, puis je rentre chez moi à Paris” Il a réfléchi quelques instants, puis m’a demandé où j’allais en Indonésie. Et puis “Ça coûte combien un aller retour depuis Paris???” Je ne sais plus ce que je lui ai répondu, mais j’ai inventé un montant. Il est resté sur le cul “Wow! Là bas vous avez les moyens de payer TOUT CA pour venir jusqu’ici, et rester trois semaines sans travailler? Juste à voyager!? La chance!!!“
J’avoue que là, je ne savais pas quoi dire, et j’étais un peu mal à l’aise. J’avais déjà remis en question mon raisonnement sur la chance de voyager avant, mais là je devais affronter la vérité : oui j’ai de la chance de voyager, j’ai énormément de chance de voyager! Je disais plus haut que voyager est une question de choix et de priorités, ce qui n’est pas faux. Le problème, c’est que plein de gens dans le monde n’ont pas le luxe d’avoir le choix, et voyager est la dernière de leurs priorités. Manger un vrai repas, boire, avoir un toit où dormir, des vêtements à porter, nourrir sa famille, s’occuper de ses parents vieillissants, voilà leurs priorités (vous vous souvenez de la pyramide de Maslow?). Dans certains cas, ils ne savent pas non plus de quoi leur lendemain sera fait…
Je prends alors conscience que tout le monde ne peut pas voyager et que je suis privilégié. Même s’ils meurent d’envie de voyager, ce n’est tout simplement pas possible pour eux. Mon voyage va représenter des mois de salaire pour eux, un rêve inaccessible… Sans oublier que dans certains coins du monde, ils n’ont que quelques jours de vacances par an…
Impossible de le nier, j’ai la chance d’être né dans un pays riche, je ne l’ai pas choisi, et ça change tout! Citoyen français, je vis au quotidien avec une devise forte à l’échelle mondiale : l’euro. Cette monnaie, et le niveau de vie qu’on a en France, permettent de voyager dans plein d’endroits sans se ruiner. Et avec nos euros, on peur faire énormément de choses dans des pays plus pauvres. Rien que ça me fait réaliser que je suis chanceux, ce n’est pas le cas de beaucoup de monde. Etant français, j’ai donc un passeport qui me permet de visiter 165 pays sans faire une demande de visa (source : Passport Index). Je passe donc (en théorie) les douanes sans qu’on m’emmerde.
Et si j’avais un passeport haïtien, mon pays d’origine? On tombe à 61 pays uniquement que l’on peut visiter sans visa. Même avec de très bons revenus, ça n’aurait pas été facile. Quand il faut faire une demande de visa avec un passeport haïtien (ou d’un autre pays pauvre), c’est toute une bataille, contrairement à un français qui ferait une demande pour aller quelque part en vacances. On demande les relevés bancaires, un billet de sortie, on enquête sur ton travail, on t’interroge sur toute ta vie pour s’assurer que tu vas bien revenir… Ce n’est pas facile pour tout le monde.
Et arrivé à la douane, rebelote. Les douaniers, je l’ai vu, manquent parfois totalement de respect aux voyageurs qui ont un passeport “faible”. Des choses que les occidentaux ne vivent pas, tout est bien plus simple. Et quand je repense à ça, je me dis que ouais, j’ai de la chance de voyager. J’ai de la chance d’avoir un passeport sans trop de restrictions de visa, et de venir d’un pays riche, ce qui n’est pas le cas de tous.
J’ai jusque là parler de ma chance de voyager car je viens d’un pays riche, c’est plus simple, etc… Mais même pour un occidental, on peut dire que j’ai de la chance. Pour commencer je suis en bonne santé. Je peux me lever, marcher, faire des randonnées, faire du vélo, me promener en toute autonomie. Je vois, j’entends, et je peux m’exprimer normalement. Je n’ai pas à me demander s’il y a un ascenseur ou un accès handicapé quand je visite une attraction touristique. Tout ça fait de moi un privilégié. Je n’ai pas d’allergies non plus. Je n’ai pas de vraies obligations familiales (je ne parle pas d’avoir des enfants car c’est une fausse excuse mais par exemple de devoir s’occuper de membres de sa famille).
Devoir s’endetter pour payer ses études, aider aux dépenses de ses parents, soutenir financièrement des membres de sa famille… C’est une réalité pour beaucoup. Certains croulent sous les dettes et ce n’est pas de leur faute… C’est bien de dire “Je me suis battu pour mon tour du monde“, mais il ne faut pas oublier que mettre des sous de côté est beaucoup plus simple quand les parents payent les études, le loyer, les courses, le téléphone, etc… Voyager est hors de portée pour beaucoup de monde. Le problème c’est que quand j’entends “Oh t’as de la chance!“, ça vient de gens comme moi, qui pourraient tout à fait voyager s’ils le voulaient vraiment. Des gens en bonne santé, qui ont de l’argent, qui n’ont pas de vraies obligations familiales et qui pourraient sauter le pas s’ils avaient vraiment envie de le faire.
Ai-je de la chance de voyager?
Au final, ai-je de la chance de voyager? Je pense que oui. Est-ce que ça m’emmerde toujours quand on me dit que j’ai de la chance? Ça dépend de qui vient la remarque. Une chose est sûre, je ne dirai jamais, comme on peut le lire ici et là, que tout le monde peut voyager. Ce n’est pas vrai. Très peu de gens peuvent tout plaquer et prendre la route, sachant qu’amis et proches les attendent en rentrant. Et très peu de gens ont la possibilité de mettre des sous de côté pour voyager (et pas pour manger ou payer un loyer ou des médicaments). Donc oui, j’ai de la chance de voyager. Et malheureusement non, tout le monde ne peut pas voyager. Tout le monde n’a pas forcément envie de voyager, et voyager n’est pas pour tout le monde. Mais c’est un autre débat.
Qu’en pensez vous? Est-ce une chance de voyager ou pas? Dites le moi!
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Françoise Pouget Dalgalarrondo says
Bonjour Roobens,
Je te souhaite mes meilleurs voeux 2019. J’ai beaucoup aimé ton article sur Ai-je la chance de voyager..
Je suis d’accord avec toi, c’est plus facile de voyager quand on est né dans un pays riche, mais ce n’est pas facile de tout quitter et de prendre la route…
Merci pour ton blog, tes photos…
Si un jour tu passes à Bordeaux et que nous y sommes ! (nous allons souvent sur Paris ) nous te recevrons avec plaisir.
André se joint à moi pour les voeux et l’invitation à Bordeaux.
Grosses bises de Françoise et André Pouget
Roobens says
Merci beaucoup! Meilleurs vœux 2019 à vous aussi! Je vous ferai signe si je passe à Bordeaux!
A bientôt!